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Les réseaux sociaux à l’heure du choc des photos

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L'intense recomposition actuelle du paysage des applications de partage des photos sur mobile laisse deviner l'enjeu capital que ce sont devenues ces fonctionnalités pour les piliers du secteur. 

L'évolution d'Instagram, ces dernières semaines, a conduit à une lutte d'influence inédite pour la séduction des utilisateurs des réseaux sociaux sur smartphone. Racheté par Facebook en avril 2012 pour le montant d'un milliard de dollars, et malgré une indépendance revendiquée par son directeur Kevin Systrom (lire : "Nous ne voulons pas remplacer les photos Facebook), l'équipe d'Instagram a supprimé début décembre l'une des fonctions les plus emblématiques de l'intégration de son application à Twitter, en empêchant l'affichage direct des images issues d'Instagram dans les tweets (lire : Instagram coupe les ponts avec Twitter).

Simultanément, Twitter a lancé une nouvelle version de son application mobile, avec une fonction qui avait largement contribué au succès d'Instagram : la possibilité de retoucher la photo que l'on souhaite partager avec ses abonnés grâce à des filtres préétablis, créant souvent l'illusion que cette image est magnifiquement rétro et porteuse d'une forte valeur ajoutée apte à susciter le like ou le retweet.

Capture d'écran de la nouvelle fonctionnalité de l'application Twitter sur mobile en ce qui concerne le partage des photos.

Dans le même temps, un autre service emblématique du partage en ligne des images, FlickR (appartenant à Yahoo!) a sorti une nouvelle version de son application iPhone proposant exactement la même fonction : la retouche, et l'application d'un filtre, avant le partage (lire : Flickr Upgrades iPhone App With Filters, Twitter Integration).

Tentative "superficielle, un peu flaibarde et trop tardive" de concurrencer Instagram, soulignent plusieurs sites (lire : New Twitter, Flickr mobile photo filters may be too little, too late), alors que ce dernier a déjà eu tout le loisir de construire une communauté forte et autonome de 100 millions d'utilisateurs et ayant dépassé Twitter sur mobile aux Etats-Unis.

Du côte des utilisateurs, quelques membres de Twitter semblent apprécier ce récent rebattage des cartes et la disparation de leur réseau des photos Instagram devenues omniprésentes.

Ils rejoignent en ce sens les nombreuses parodies qui se moquent d'une documentation intensive et permanente de la vie quotidienne, qu'on a pu déjà constater après l'arrivée de Facebook, mais depuis exacerbée par notre utilisation de smartphones connectés et dotés d'appareils photos à plusieurs millions de pixels (regardez la vidéo sur la page d'accueil de FlickR avant de voir ci-dessous cette fausse reprise de Nickelback sur les utilisateurs intensifs d'Instagram).

Mais d'autres utilisateurs ont tout simplement exprimé leur déception dans cette déconnexion d'Instagram avec Twitter, et du bouleversement des règles du partage des photos.

Des réactions qui s'expliquent notamment par le poids croissant du partage d'images. L'étude TNS Sofres pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) publiée le 12 décembre consacrée à "La place des photos dans notre vie numérique" (document PDF) conclut notamment que :

  • environ 300 millions de photos sont partagées chaque jour sur les réseaux sociaux (voir l'infographie) ;
  • "plus de la moitié des internautes français publie des photos sur Internet, dont 86 % chez les 18-24 ans" ;
  • "plus d’un internaute sur deux prend une photo d’abord dans le but de la publier".

La CNIL prend surtout appui sur ces données pour avertir des dangers potentiels et donner des conseils pour mieux maîtriser les effets de ce type de publications (surtout chez les jeunes utilisateurs).

Elle ne précise pas, en revanche, si les 300 millions de photos incluent une bonne partie des fichiers qui sont partagés sur Facebook, Twitter et les autres : celles qu'on trouve grâce à nos recherches sur le Web ou notre navigation, ou créées de toutes pièces à partir d'autres images déjà existantes.

Parmi elles, celles au format .gif (élu mot de l'année 2012), soit les "imagettes animées" comme le résume l'AFP. D'un format massivement humoristique, utilisé dans des forums publics ou privés depuis des années, et qui participent grandement au succès de plateformes sociales comme TumblR, ces images virales sont même maintenant utilisées par des sites d'information pour raconter l'actualité sous une nouvelle forme (lire : L’ascension du GIF animé jusqu’au sommet journalistique).

Mais la diffusion de toutes ces images, qu'elles proviennent des utilisateurs et de leurs appareils photos, des montages qu'ils peuvent réaliser ou des photos qu'ils peuvent trouver, prennent surtout appui sur la nature des réseaux sociaux dont la structure même favorise la viralité de l'image.

Une caractéristique qui semble évidente pour des applications liées avant tout au travail photographique, comme Instagram et FlickR. Mais rappelons que Facebook a aussi été construit sur la base des trombinoscopes universitaires (lire Did Mark Zuckerberg's Inspiration for Facebook Come Before Harvard ?) et sur la base du partage de photos.

Certains animateurs de pages publiques dénoncent même aujourd'hui une "dictature de l'image", un sacro-saint format favorisé par Facebook et dont il est prouvé qu'il créé davantage d'engagement chez les abonnés – mais aussi une standardisation du partage de contenus.

Rappelons également que l'un des axes majeurs de compétition entre les réseaux sociaux concerne la manière dont sont présentées ces photos : voir par exemple dans cet article comment Facebook a refondé son système après la sortie d'un Google+ très performant en la matière, réutilisant des outils à succès déjà présents dans les galeries Picasa.

De même, un nouveau réseau comme Pinterest s'est démarqué en fondant prioritairement l'activité de ses utilisateurs sur un partage facilité et une présentation originale par fleuve de milliers d'images.

Associez désormais à toutes ces plateformes la facilité de la connexion mobile et du partage instantané des clichés des appareils photos des smartphones : vous en arrivez à l'explosion actuelle des réseaux comme Instagram, et des tensions actuelles entourant les piliers des secteurs sur les fonctionnalités à offrir à leurs abonnés.

Ces derniers les adoptent dans tous les cas massivement. Au point où, au milieu des photos de la vie de tous les jours, les grands événements d'actualité peuvent être désormais documentés de manière exceptionnelle, comme l'ont démontré les centaines de milliers d'images postées sur ces réseaux sociaux au fur et à mesure du passage de l'ouragan Sandy sur la côte Est des Etats-Unis (lire : Avec l'ouragan Sandy, Twitter, Facebook et Instagram explosent leurs compteurs).

La notion de "journalisme citoyen" est d'ailleurs devenue un axe majeur de la communication de ces entreprises. "Quand l'ouragan a frappé les côtes, les gens ont massivement utilisé le mot clé #Sandy pour apporter de l'information sur l'ouragan", décrit le directeur d'Instagram au Nouvel Observateur : "Cela montre que nous sommes face à un puissant média social. La preuve, le Time a envoyé ses journalistes couvrir l'ouragan avec Instagram. Nous sommes déjà un outil pour les journalistes et les journalistes-citoyens. C'est fascinant."

Mais derrière se cache aussi l'enjeu d'une pénétration toujours plus forte des applications Facebook, Twitter, Instagram ou FlickR sur des téléphones-appareils photos, favorisant largement un usage mobile devenu l'un des piliers fondamentaux de la croissance économique de ces entreprises (lire : Le mobile, l'avenir des réseaux sociaux ?).

Dans le même temps, les applications mobiles commencent à atteindre les appareils photos eux mêmes, dont certains sont désormais connectés et équipés de systèmes d'exploitation Android supportant toutes ces fonctionnalités de partage social.

Avec un nombre de photos numériques prises dans le monde estimé entre 600 et 850 milliards pour 2012, on imagine sans peine que la course aux fonctionnalités des applications mobiles, de même que les rivalités entre Twitter, Instagram et les autres pour récupérer les utilisateurs sur leurs plateformes, n'en sont qu'à leurs débuts.

Michaël Szadkowski

 


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